David Davidian | 9 Fév 2025 | Tribunes libres
Ce que fait Pashinyan pour rester au pouvoir et en vie
Lors d’une réunion fin janvier avec la communauté suisse-arménienne, le Premier ministre Nikol Pashinyan a remis en question la véracité et l’ampleur du génocide turc des Arméniens en 1915. La vidéo peut être visionnée ici.
M. Pashinyan a affirmé que le génocide de 1915 n’avait jamais été à l’ordre du jour des Arméniens jusqu’en 1950 environ, espérant que son auditoire admettrait le sophisme logique selon lequel la catastrophe subie par les Arméniens était une création post-facto. M. Pashinyan a déclaré : « Nous devons comprendre ce qui s’est passé et pourquoi ».
Plutôt que de corriger chaque déclaration idiote et corrosive de M. Pashinyan, il serait peut-être préférable de lui demander pourquoi il fait de telles déclarations. Il convient de noter que ces déclarations sont similaires à celles de la Société historique turque, qui nie le génocide arménien.
Si certains dirigeants pensent agir dans l’intérêt supérieur de leur pays, d’autres peuvent donner la priorité à leur survie et à leur enrichissement. Dans de nombreux cas, plus un dirigeant reste au pouvoir longtemps, plus il lui est difficile de céder le contrôle : il devient également de plus en plus enraciné et résistant au changement.
En 2018, Pashinyan est arrivé au pouvoir dans le cadre d’une révolution colorée multidimensionnelle. Le mouvement soutenu par les ONG occidentales a culminé avec la perte de l’ingénierie lors de la guerre du Karabakh en 2020 et le nettoyage ethnique de 120 000 Arméniens du Haut-Karabakh à l’automne 2023. D’aucuns affirment qu’Ankara et Bakou ont joué un rôle dans l’ascension de Pashinyan. Le Premier ministre arménien a réduit l’empreinte russe dans le Caucase du Sud et se sent désormais vulnérable sur le plan intérieur et géopolitique. La popularité de M. Pashinyan a atteint un niveau historiquement bas de moins de 15 %. Pourtant, les élections de l’année prochaine pourraient aboutir à la réélection de Pashinyan – s’il n’y a pas d’ingérence extérieure – car, malheureusement, depuis son indépendance post-soviétique, l’Arménie a découragé toute classe dirigeante d’atteindre une masse critique. L’opposition existante de Pashinyan est soit à court de vitalité, soit contrôlée.
Pashinyan fait des déclarations publiques, dont il sait que beaucoup sont fausses. Il sait désormais qu’il doit s’engager dans des activités qui lui sont imposées par l’Azerbaïdjan et la Turquie, s’il espère rester au pouvoir. Les promesses faites ou sous-entendues selon lesquelles l’abandon du Haut-Karabakh ouvrirait une ère de paradis socio-économique en Arménie ne se sont pas concrétisées. Lors des élections de 2026, il pourrait y avoir une bataille entre l’influence de la Russie et celle des États-Unis et de l’Union européenne. Pashinyan pourrait obtenir le soutien d’Ankara et de Bakou, ce qui l’obligerait à porter sa rhétorique et ses actions anti-arméniennes à des niveaux sans précédent. Pashinyan est le « bénéficiaire » de sa soi-disant révolution qui a engendré des circonstances indépendantes de sa volonté. Par manque de prévoyance, Pashinyan s’est mis, lui, ses partisans et le reste de l’Arménie à la merci de la Turquie et de l’Azerbaïdjan. Ni les États-Unis ni l’Union européenne n’enverront de troupes terrestres en Arménie, même si l’Arménie est menacée d’extinction.
Si Pashinyan ne reste pas au pouvoir, il perdra sa « garde révolutionnaire » composée de 30 000 policiers, et sa vie et celle de sa famille seront potentiellement en danger. Si des efforts extraordinaires ont été déployés après la guerre du Karabakh de 2020 pour assurer sa sécurité, dissuadant ainsi de nombreuses personnes qui auraient voulu se venger de la mort de plus de 5 000 jeunes hommes lors de la défaite technique du Karabakh, il n’en va pas de même pour M. Pashinyan en tant que civil.
Source :
https://keghart.org/davidian-pm-stay-in-power-alive/
Traduit de l’anglais par Jean Dorian